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C’est quoi la mort, si ce n’est l’absence de vie ?

Le deuil, je ne le connais que trop bien, lui qui m’a visité à tant de reprises et qui n’a de cesse de venir taper à ma porte en s’annonçant comme un vieil ami. Triste vie, ce soir il fait gris.


Lorsque la mort est annoncée, s’en vient un instant de flottement, semblable à une étrange décorporation ; c’est comme si l’âme quittait son enveloppe pour aller vérifier que, de l’autre côté, le messager est bien passé. « Es-tu vraiment ici ? »


J’ai les mains gelées, je sais ce que cela signifie.


Lundi 16 novembre 2020, il est 18h30 ;

Non, nous ne sommes pas le 1er avril, Catherine. Il ne s’agit pas d’une plaisanterie de très mauvais goût. J’ai la sensation de tomber dans un trou noir, d’une densité exponentielle, irréelle. Je n’arrive plus à respirer, dites-moi que je rêve, que je vais me réveiller demain matin avec une gueule de bois du feu de Dieu… « Dieu ! Dis-moi que ce n’est pas vrai. Je t’en prie. » Je me mettrais à genoux pour prier qu’une nouvelle étoile ne vienne pas ajouter de l’éclat à mon ciel nocturne. Clair-obscur, je me sens aussi légère que ténèbres. Comme ailleurs. Si seulement c’était avec toi. J’ai beau hurler, rien ne ramènera tes éclats de rire. Ton sourire chaleureux et tes fantaisies. Je n'ai plus qu'a accueillir que tout cela ne va que me manquer. Tu étais une poésie à toi toute seule, tellement solaire et lumineuse ; une prose pleine de promesses, tu incarnais la prouesse.


Je n’ai pas été là, mon cœur, pardonne-moi. Je n’ai compris que trop tard tes appels à l’aide, toujours à demi-mot car tu étais bien trop forte que pour me demander clairement ce dont tu avais besoin. Je te voyais forte, toi et moi nous sommes faites de la même lave, elle coule dans nos veines, nous rendant incandescente. J’avais pleinement confiance en tes capacités d’assimilation, petite alchimiste en herbe, j’étais persuadée que tu ferais des épreuves un véritable mausolée malgré les pleurs scintillants. Nos similitudes m’ont voilé le regard, pendant que mon attention, portée sur d’autres plans, m’ont éloignée de ma clairvoyance. Crois-moi, je m’en veux. Tu n’as pas idée de ce qu’il se passe en ce moment dans mon esprit meurtri par cette perte soudaine qu’est la tienne. Je suis dévastée. Je n’ai de cesse de me répéter que je vais bien, tout en m’étonnant lorsque je me sens « comme avant », disons normale, jusqu'à ce que je m’arrête et laisse les sanglots prendre toute la place, les larmes coulent sur mes joues sans plus s’arrêter, je sens ce vide au niveau de mon plexus solaire ; il remonte vers mon cœur et me donne la sensation d’une implosion. J'ai mal au ventre. J'ai la nausée. Respire, ma Cath. Là, monte une chaleur que je pourrais presque nommer rage.


Aujourd’hui, cela fait une semaine que l’appel m’annonçant ta mort m’a été passé. Une semaine que j’ai débuté ces paragraphes, stoppés nets par une panne d’inspiration. Je manque d’air, dans mon esprit les mots sonnent comme un électrocardiogramme plat, comme ton cœur mis à l'arrêt ; plus aucunes vagues à l'horizon, plus aucuns monts, plus aucuns ponts. Je ne sais pas très bien où je vais, je me sens perdue dans un monde devenu trop grand pour moi. Le ciel brille toujours, sous les nuages, mais la brume me donne la vision trouble. Après avoir pleuré des heures durant ; me laissant les yeux irrités et endolori par le sel de mon âme, dormi la moitié moins, mangé le tiers ; je me sens en colère. Je déteste le monde entier, avec un focus sur le tien. Sur ceux supposés être proche de toi. Ceux-là même qui n’ont rien vu, qui n’ont pas jugés utile de m’avertir de ton désespoir qui est né il y a de ça de nombreux mois. Je ne suis pas naïve, je sais que ce que tu as fait, tu l’as fait suite aux événements de la vie, vie à laquelle je suis étrangère depuis que j’ai choisi de m’exiler loin d’ici. Loin de notre berceau. Loin de toi, par la même occasion.


Cela fait des mois que je pense à venir te chercher, à te sortir de toute cette morose grisaille. Je souhaitais sécher tes larmes avec mes plumes. J’avais plein d’idées, de projets, que je voulais partager avec toi, te laissant la place centrale le temps que tu deviennes l'égérie de ta nouvelle vie. Tu m’aurais difficilement suivie, je le sais, mais après avoir goûté au bonheur Provençale, tu aurais vu qu’après les routes de montagne froide et sinueuses, on arrive sur des nationales ensoleillées. En ligne droite, on aurait mis les gaz vers la chaleur et les douces notes d’accents du Sud. Douceurs sucrées et acidulées, t'aurais adoré.


Du soleil, j’en avais trop pour moi toute seule.


Il n’aura jamais plus la même chaleur, à présent. Je m’en veux tellement. Ils me disent que ce n’est pas ma faute, que je ne dois pas m’en vouloir. Je trouve cela tellement hypocrite et déresponsabilisant. Je, nous, ne sommes pas coupables, mais nous n’avons pourtant rien fait. Nous devrons dés à présent vivre avec ce sentiment gangrénant en nous. J’ai presque envie d’espérer qu’aucun d’entre nous ne l’oubliera jamais. Non pas pour nous flageller mais pour ne jamais réitérer.


Quant à moi,

Je promets d’être plus présente et attentive dès aujourd’hui. J’aurais préféré m’éveiller dans d’autres circonstances mais il semble que les cauchemars soient plus radicaux que les jolis idéaux. Je cours après les idylles, faisant fi des difficultés de la vie, que trop habituée à celles-ci. J’étais convaincue que rien ne pouvait plus se produire dans le drame, pas après toutes ces souffrances déjà moulte fois traversée. J'ai envie de t'insulter. Mais je t'Aime bien trop pour cela.


J’apprends l’impermanence. Cela ne signifie pas que je ferme mon cœur ou que je vais fuir les pleurs ; je m’élève davantage, je vois du dessus tous les chemins parsemant mon voyage. Je ne suis pas capable de haine, je ne suis pas capable de regrets ou de remords, je ne peux vivre l’amertume, je ne peux vivre en fermant mon esprit et mon être, même après les coups et les blessures. Je choisis de ne pas suivre cette voie, celle du rejet, de soi et, de ce fait, de ceux que nous croisons, intégrés à notre sphère ou non. Une fierté trop présente, érigée par ses blessures nous fait perdre le chemin, elle éteint les lumières et met des barrières entre les âmes qui ne demandent qu’a se réunifier, elles qui se savent depuis la nuit des temps, nous prouvant à tant de reprises que celui-ci n’existe pas pour ceux qui font partie de la même Histoire. Je comprends, je vois, qu’être amour ne signifie pas seulement ouvrir ses bras mais être un réceptacle de neutralité, afin de rester dans le don sans que cela ne soit impact.

Je suis en capacité de sortir de moi pour regarder d’en haut ce qu’il se joue dans ce grand cirque, sur ces scènes aux parfaits acteurs, incarnant leur rôle avec magnificence. Parfois aux détriments de ce qui les entoure, parfois aux détriments d’eux-mêmes.

Amputant de ce fait leurs ailes.

 
 
 

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Quatorze ans. 5110 jours et pas un sans que je ne désir te dire "tu n'devineras jamais...", pas un où je n'ai souhaité t'entendre me dire...

 
 
 

2 commentaires


Weinheimer Patrick
Weinheimer Patrick
23 nov. 2020

Demey4000 at yahoo.fr

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Weinheimer Patrick
Weinheimer Patrick
23 nov. 2020

Chère Madame,

si seulement je pouvais assouplir votre douleur. J'ai vécu pendant 34 ans à Bruxelles et je retournais le dimanche dernier par Liège vers l'Allemagne, qu'à quelque kilomètres du drame futur qui s'annoncait. Bien que je n'aie pas connu Alysson et que j'ai vu son interview qu'après, si j'avais été au courant, je serais passé pour discuter des options de maintenir "sa petite entreprise" avec un petit don. Mais je suppose que la tristesse était au delà et que derrière ce sourire, à l'exception de la dernière photo très sérieuse, avec les couleurs d'une fresque de Klimt, il y avait une forte détresse. Décision spontanée dans une phase d'extrème douleur? La peinture merveilleuse du couple derrière les chapeaux u…


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