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13/03 - 03H13

Il est 1h27, le 13 mars 2021, lorsque je débute ces lignes, bercée par Chopin.


Rétrospective.

2009. Il est environs 2h du matin, on fume des joints avec ma cousine, ma meilleure amie, on se marre comme des folles. L’insouciance de mes 15 hivers me rend légère dans cette lourdeur qui plane pourtant explicitement autour de moi. Mes éclats de rires deviendront des bribes de souvenirs, traitre ivresse de l’être en décomposition. Mon téléphone sonne. Drôle d’heure pour un appel. Je suis de celles qui ne répondent jamais au téléphone, mais là, j’entends que c’est important. Décroche, Catherine. Certain au revoir n’ont lieu qu’une fois.


- Mademoiselle D. bonsoir, c’est l’hôpital du CHU.

- Bonsoir… dis-je fébrilement, sentant l’Univers prendre un chemin étouffant.

- Voilà … nous avons donné un sédatif à votre maman, si vous voulez lui dire au revoir vous devriez venir maintenant.

- J’arrive.


Ce n’est pas le vide qui a pris place en moi, c’est le néant. Une brèche béante s’est formée dans ma poitrine, comme si mon cœur avait décidé de s’auto-congédier.


- TONTONNNNNN, on doit aller à l’hôpital. MAINTENANT.


Tonton, il est lent, je le sais, je le connais. Je ne peux pas perdre une seule seconde.


- ALLEZ, ALLEZ, ALLEZ ON Y VA !


Ce trajet en voiture est le plus irréel qu’il m’ait été donné de vivre. Semblable à un trou noir, il a tout absorbé ; mes pleurs, mes peurs, mon âme a quitté mon corps. Me voilà enveloppe vide. Médiocre petit colibri, que reste-t-il de toi dès lors que te voilà dépouillé de tes ailes, comment songes tu voler ?


Je cours en oubliant de respirer. L’ascenseur est d’une lenteur à m'en donner la nausée. J’y suis. Vraiment ? Durant une fraction de seconde, j’hésite « entre-je seulement ? »


Je prends sa main dans la mienne, l’électrocardiogramme m’annonce qu’elle est bien là ; son cœur bat. Elle me sert, j’entends « tu es là ».


- Maman ne part pas, s’il te plait, ne me laisse pas.


Les anges ne parlent pas. La rotation de la Terre vient de changer de sens ; ses battements ralentissent, l’incessant cycle du « tut-tut-tut » laisse place à l’inertie, le calme plat. Sa main lâche délicatement la mienne. J’ai senti la vie s’en aller, impuissante. Seul un hurlement s’est échappé de mon gosier.


Le 13/03 à 03H13, la mort s’est présentée à moi. Quel humour, chère faucheuse, mais vos manières sont bien fâcheuses… Je verrai les premières concordances, ce n’est là qu’une répétition ; ma partition. Ma perdition.


Quel héritage m’as-tu donc laissé, Mère ?


Je me souviens m’être assise au sol, après les vaines supplications couplées au flot de sanglots, mes larmes salées m’ont donné le mal de mer. Le monde semble peser un million de tonnes sur mes toutes frêles épaules. Je me love dans un coin, pourquoi avez-vous décidé de me punir ? Recroquevillée sur moi-même, comme pour me protéger des dangers du monde, je voudrais un petit nid douillet. Où est donc passé mon être d'amour absolu ?


J’ai haï les cieux lorsqu’ils t’ont rappelée à eux.


Ce matin-là, le ciel était d’un bleu d’une rare clarté, l'azur était pur. Aucun nuage, comme si tu avais envoyé le soleil pour qu'il réchauffe mon âme, devenue glaciale. L'as-tu missionné à disperser la brume épaisse qui avait pris place dans mes iris ? Plus un mot n’est sorti de ma bouche durant un temps certain, j’ai même pensé que je ne parlerai plus jamais.


A quoi bon parler si nos cris ne sont pas entendus ? « NE ME LAISSE PAS », avais-je proféré. Personne ne m’a écouté, m'a-t-on tout bonnement entendue ?


Je ne peux décrire les sentiments qui accompagnent l’expérimentation de la mort, celle que nous voudrions à tout prix voir reculer, celle qui se passe sous nos yeux ébahis et que nous ne pouvons éviter.


Je me suis demandé comment j’allais faire à présent, sans toi comme socle, ma base, mes racines. Mon échine. J’ai préféré le venin à l’encre de Chine. J’ai rendu mon être poison, brisant chaque possible de bonheur, n’y croyant plus une seule seconde. Me faisant sœur de Lucifer, j’ai haï le Monde dés lors que ma temporalité semblait s'être arrêtée. Gourmette et boussole s'en s'ont allées, l'espace-temps a fait un arrêt sur image tout en avançant dans un futur qui me semble si lointain. A-t-il une fin ?


Pourquoi moi ? Mais qu’ai-je fait pour mériter cela ?

Lorsqu’un drame s’abat, l’imaginaire vogue sur les failles, sur les ratures, au diapason des égratignures. Tu as pris mon cœur en rejoignant ton ami le Seigneur.


De mon chemin de croix, le plus douloureux fut de devenir une femme sans toi.


Aujourd’hui, je te le dis ; j'ai réussi.

Mon Herculaneum est bâti.


12 ans. Ça fait combien de jours ça, maman ?

J'ai cessé de les compter il y a bien longtemps,

Les larmes ont laissé place à l'amertume du manque, le spectre de ton souvenir dans ma tourmente,


Les tempêtes en moi furent nombreuses, chaque passage furibond brisant un peu plus de mon Je,

Désemparée, j'ai cessé, durant tant d'années, de prendre la vie comme un jeu,

Ils ont oublié d'élaguer mon labyrinthe, allergique au cyprès j'ai trop longtemps suffoqué,

J'ai bien essayé de déléguer, mais certain chemin ne s'emprunte qu'en vœux de piété,


Il paraît qu'il n'est pas permis à tout le monde d'aller à Corinth

Je sais que tu as envoyé les anges pour paver ma route de nuages doux et soyeux,

À l'allure d'or,

J'ai souvent glissé par suite des pluies torrentielles déferlant de mon ciel


Me voilà femme, celle que tu espérais, je présume, tu dirais probablement que je dépasse tes espérances, pour le fait simple que je dépasse celles auxquelles je n'aurais osé songer,

J'ai compris, les yeux ouverts et l'esprit affiné, ces sacrifices que tu as fait pour protéger mon étincelle des flammes,


À présent j'hume le doux parfum de l'existence, délivré dans mes sens,

Je ne peux qu'être puissante,

Ayant été élevée par une lionne,

Guerrière aux yeux d'émeraude,


Regarde comme les lions rôdent,

Mon intégrité je me la garde, présent précieux que j'apprends à apprécier,

Ma divinité révélée,


Tu m'as rendue poésie maman, je ferai de ton nom un monument.


Un hasard a voulu mener à mes oreilles « Tu rêves » d’An’Om et Vayn, google n’a pas compris ma demande. Merci pour les messages, pour les lampadaires sur ma route, qu’Alysson vient secouer quand j’oublie de les voir. Je sais où je vais.

 
 
 

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